D’un geste rapide, Shae continuait de plier ses vêtements avant de les placer correctement dans sa valise. Il était grand temps qu’elle quitte cette maudite maison pour le campus de l’université, elle serait forcément ailleurs qu’ici. « Alors tu t’en vas vraiment ? » La jeune femme se tourna brusquement vers sa sœur qui venait d’apparaitre dans l’encadrement de la porte. Elle était sa copie parfaite et en la fixant elle avait l’impression de se regarder dans un miroir. Les deux jumelles étaient liées par les doigts de la main depuis toujours, avant même de venir au monde, elles étaient déjà inséparables. Jusqu’à présent, elles avait tout vécu ensemble, de l’enfer de cette maison jusqu’à l’école et le lycée. Les soirées, les premiers amours, les premières déceptions, elles avait tout découvert ensemble. Mais il était temps sans doute, qu’elles choisissent leur voie à présent. Pour Shae c’était tout tracé. Elle rêvait de justice, elle qui n’avait jamais connu ça. Son père était un sale type, violent, qui n’hésitait jamais à taper sur sa femme ou sur ses deux filles. Shae s’était souvent opposé à lui, parce qu’elle avait un tempérament plus fort que sa sœur et parce que sa mère n’osait pas lever le petit doit. L’injustice régnait dans cette maison. Shae avait l’impression que personne ne pouvait rien pour elles, qu’il fallait qu’elles se débrouillent toutes seules. C’était ce qu’elle faisait en fuyant cette maison. Un jour, peut-être qu’elle aurait l’occasion de mettre des hommes comme son père en prison, puisque c’était d’après elle tout ce qu’il méritait. Elle méprisait cet homme plus que n’importe qui au monde et elle s’était souvent surprise à souhaiter sa mort. Le savoir six pieds sous terre aurait été un soulagement pour tout le monde dans cette maison. Il fallait cependant croire que ce vieil alcoolique finirait par toutes les enterrer. Elle jugeait qu’il valait mieux partir avant qu’il ne soit trop tard. « J’ai été acceptée à l’université de Virginie, je ne pars pas non plus à l’autre bout du monde. » Elle aurait pu sans doute, traverser les Etats-Unis pour s’éloigner encore plus de cette maudite famille. Cependant, il y avait sa sœur jumelle ici et il était hors de question qu’elle s’éloigne trop d’elle. Très jeune, Shae avait développé un instinct de protection accru envers sa sœur, il le fallait bien vu le père qu’elles avaient. Partir en laissant sa sœur était une chose difficile, alors évidement, elle allait rester dans les environs. D’un pas rapide, elle se rapprocha de sa jumelle, déposant ses mains sur ses épaules et la fixant avec tout le sérieux du monde. « Tu devrais partir aussi, l’université est un bon moyen de fuir. » En plus de ça, c’était aussi le moyen de construire un avenir, quoi de mieux ? Shae avait des rêves plein la tête. Elle rêvait d’une belle carrière et son ambition était assez grande pour lui donner la motivation nécessaire pour y arriver. Un jour, elle entrerait au FBI, c’était peut-être un rêve étrange pour une jeune femme comme elle, mais c’était ça qu’elle voulait faire de sa vie et elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour y arriver. « Ouais, on verra. » Elle haussa légèrement les épaules avant de soupirer. Il ne fallait pas qu’elle reste là, cette maison n’était pas un lieu sûr. « Je pars dès que j’ai fini de boucler mes affaires, ça te dit un petit voyage jusqu’en virginie ? Je vais avoir besoin d’aide pour emménager. » Elle adressa un léger sourire à sa sœur qui haussa de nouveau les épaules avant de s’éloigner pour quitter la chambre. « Je vais me préparer ! » Sur ces mots, elle quitta la pièce, laissant Shae avec ses valises. Elle espérait vraiment que ce petit voyage ensemble la pousserait à faire le même choix qu’elle parce que très vite, elle ne serait plus là pour la protéger du monstre leur servant de père.
« Qu’est-ce que tu penses d’Annie ? » Elle haussa légèrement les épaules avant de venir s’installer sur le lit aux côtés de son compagnon, se laissant lourdement tomber sur le dos, épuisée par cette nouvelle journée passée à porter ce bébé à bout de ventre. Elle était encore jeune et chaque jour qui passait, c’était un jour de plus qui la rapprochait du moment fatidique où elle serait mère. Elle avait peur et chaque élément rendant cet évènement encore plus réel et plus imminent l’angoissait davantage. Choisir un prénom faisait parti de ces éléments et pourtant, Eliott lui semblait particulièrement inspiré depuis qu’ils avaient appris que c’était une petite fille qui grandissait en elle. « Tu hausses les épaules à chaque prénom que je propose. Je ne sais plus trop ce que ça veut dire à force. » Elle non plus elle ne savait plus. Elle ne savait plus grand-chose en cet instant, à part qu’elle avait mal absolument partout et qu’elle était à bout de force. Du haut de ses vingt-deux ans, elle n’était pas prête à devenir mère. Elle n’avait jamais évoqué une quelconque envie de devenir mère, ça lui était tombé dessus sans rien qu’elle ne demande. Sans doute pourrait-on qualifier cette grossesse d’erreur. Enfin, elle avait de la chance, au moins, le père de la petite fille était son petit ami depuis plusieurs années déjà et il était de toute évidence, bien plus inspiré qu’elle quant à la naissance de cet enfant. Elle se contentait d’avoir peur, comme s’il s’agissait d’une chose insurmontable. Sa famille n’était de toute évidence pas le modèle de famille idéal et même si elle savait bien qu’Eliott ne serait jamais comme son père, elle ne pouvait s’empêcher d’être terrorisée. Ça irait mieux disait-on dès qu’elle aurait eu l’occasion de serrer sa fille dans ses bras. Elle espérait vivement que c’était vrai, sans quoi elle était persuadée qu’elle serait la pire mère de la planète. « Désolée. » Se contenta-t-elle de répondre dans une grimace alors que la douleur se faisait encore plus forte, l’obligeant à se redresser légèrement comme ça pouvait changer quelque chose. Elle avait souvent l’impression qu’elle n’allait jamais survivre à l’accouchement, elle n’était pas douillette pourtant, elle était forte et résistance, il le fallait bien vu le milieu dans lequel elle avait grandi, mais la douleur était telle qu’elle aurait voulu qu’on l’achève en cet instant. Une nouvelle douleur au creux de ses reins vint lui arracher un long soupire à travers ses mâchoires serrées. « Est-ce que ça va ? » La jeune femme posa un regard noir vers son compagnon. Elle aurait pu l’étranger sur place si elle en avait eu la force, mais elle se contenta d’agiter rapidement la tête de droite à gauche pour lui faire part de sa réponse et sans attendre une seconde de plus, il avait sauté du lit enfilant les premiers habits qui lui tombèrent sous la main avant de l’aider à rejoindre la voiture. « Annie, j’aime bien tu sais. » Se contenta-t-elle de dire sur le chemin vers l’hôpital, entre deux horribles contractions. Ce fut d’ailleurs la seule phrase qu’elle prononça sur le trajet, gardant pour elle les nombreuses insultes qu’elle aurait eu envie de balancer aux autres conducteurs sur la route ou aux feux qui n’avaient de cesse de passer au rouge. Annie c’était très bien, joli, simple et élégant. Annie, ce serait le nom qu’on inscrirait sur le petit bracelet autour du poignet de cette petite fille qu’elle était sur le point de mettre au monde.
« Vous pouvez signer ici et là, et vous serez officiellement divorcés. » L’avocat en face d’eux glissa une feuille sur la table. Stylo en main, Shae resta quelques secondes à fixer la feuille en face d’elle. Est-ce qu’il fallait vraiment que ça se termine comme ça ? Ils étaient ensemble depuis des années, ils avaient une fille ensemble et il y avait sans doute eu plus de bons moments que de mauvais moments dans ce mariage. Pourtant, ce n’était que les mauvais qu’elle avait à l’esprit en cet instant. Ce qu’elle se souvenait surtout en cet instant c’était qu’elle avait perdu sa place au FBI parce qu’on l’avait choisi lui plutôt qu’elle. Ils n’avaient pas pour habitude de travailler ensemble, conscient que leur mariage ne devait pas influencer leur travail et sans doute auraient ils voulu que jamais leur travail ne vienne influencer leur boulot, mais il avait fallu qu’ils se retrouvent ensemble sur une enquête, ce n’était qu’un jeu de circonstance, pas un choix qu’ils avaient fait et les choses s’étaient suffisamment mal passées pour qu’au bout du compte on choisisse d’en virer un des deux. Le choix avait été vite fait, c’était elle qui devait partir et lui qui restait. Il était un homme, elle était une femme alors forcément, vu la façon de penser de penser de leur supérieur, c’était évident que c’était à elle de partir. Loin des bureaux, ça avait toujours été plus facile pour elle de blâmer Eliott pour la perte de son emploi plutôt que leur supérieur. Elle lui en avait voulu plus que de raison sans doute, pour une décision qui n’était même pas la sienne. Voilà où ça les avait menés ; devant une feuille pour officialiser leur divorce. Elle était sans doute celle qui avait causé la fin de leur mariage, incapable d’accepter qu’il soit encore au FBI alors qu’elle n’y était plus. Condamnée à corriger des copies et à faire cours aux nouveaux étudiants de l’académie. Devenir enseignante, ce n’était clairement pas un but qu’elle avait pu se fixer étant plus jeune. Ce n’était sans doute pas la faute d’Eliott qui ses rêves de carrière s’étaient envolés en fumée, mais le fait était qu’à présent, il était trop tard pour faire marche arrière. Le mal était fait et ce divorce était probablement la meilleure chose à faire, pour eux deux comme pour Annie. La petite fille méritait mieux que de voir ses parents s’engueuler à longueur de journée pour des raisons aussi futiles que stupides. Il fallait signer. Dans un soupire, elle posa enfin la mine du crayon contre la feuille pour y apposer sa signature, puis, elle glissa la feuille vers celui qui allait devenir son ex-mari, sans lui adresser un regard, c’était plus simple ainsi.
« Putain, démarre ! » Dans un grognement, elle frappa le volant de la voiture de ses deux mains avant de s’énerver sur l’accélérateur, arrachant un léger bruit à la voiture qui ne démarra pour autant. Ils avaient besoin de cette voiture pour continuer à avancer. A pieds, ils allaient être vulnérables et elle n’avait pas franchement envie de finir dévorée par Dieu seul savait que qu’étaient vraiment ces créatures. Elles n’étaient plus humaines, juste des morts vivants assoiffés de sang. Le monde avait changé en un rien de temps, les Hommes s’étaient changés en monstre et maintenant, il fallait survivre au beau milieu du chaos. Coupant le contact dans un soupire, elle tira le levier pour ouvrir le capot. Peut-être qu’Eliott ou son frère saurait ce qui n’allait pas avec cette vieille ferraille. C’était l’enfer qui s’était installé sur terre. Elle ne savait même plus pourquoi elle survivait, à quoi bon après tout ? Annie était probablement morte à présent. Eliott l’avait laissée mourir. Sans doute que les choses ne s’étaient pas passées comme ça, mais le fait était qu’au milieu du chaos, il avait perdu la trace de leur fille. Elle était sous sa responsabilité ce jour là et maintenant elle était probablement morte. Cette fois, elle avait probablement une bonne raison d’en vouloir à son époux. Ou peut-être n’était-ce encore qu’un prétexte. Annie n’était qu’une excuse pour justifier sa rage envers Eliott et lui, il était le bouc émissaire dont elle avait besoin pour tenir bon et survivre à cette fichue apocalypse. Elle sursauta alors que le capot se refermait d’un coup sec. A travers le pare-brise sale, elle distingua Eliott faire non de la tête, lui signalant alors qu’il n’y avait plus rien à faire pour cette voiture. Elle soupira avant de laisser sa tête cogner contre l’appui tête. Génial. Les choses ne pouvaient définitivement pas être mieux. Même si un silence de mort avait tendance à régner dans cette voiture, il semblait toujours moins oppressant que lorsqu’ils étaient à pieds. Les choses étaient difficiles et puisqu’elle avait tendance à toujours trouver le bon moyen pour s’engueuler avec Eliott, elle préférait souvent se taire et il faisait généralement de même. L’ambiance n’était clairement pas au rendez vous dans leur petit groupe, mais comment pourrait-elle l’être ? C’était la fin du monde, pas un road-trip entre amis. Quittant la voiture, elle attrapa rapidement son sac sur la banquette arrière avant de rejoindre les frangins Moriarty. « Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » Question stupide sans doute, il n’y avait pas grand-chose à faire de toute évidence à présent. Eliott haussa les épaules avant de fixer l’horizon. « On avance et on survit. » On avance, certes, mais pour aller où ? Shae était lasse de errer sans boute, fatiguée de ne faire que survivre. Si c’était ça et seulement ça qui restait de la vie, est-ce que ça valait vraiment le coup de continuer à avancer ? C’était une question qu’elle se posait souvent depuis que tout ça avait commencé. C’était une question à laquelle elle n’avait pas de réponse, mais elle continuait quand même d’avancer