« Tu as tout ce qu’il faut ? N’oublies pas si tu as besoin tu nous appelles ! »
« Oui, maman ! »

Pour la dixième fois en moins de cinq minutes Clarke confirmait à ses parents qu’elle avait tout ce qu’il lui fallait et que ça irait pour elle. Les embrassant une dernière fois avec un sourire qui se voulait rassurant, elle monta dans le taxi qui l’emmènerait à la gare. Elle ne pouvait pas leur en vouloir d’être aussi perturbés et stressés. C’était la première fois qu’elle quittait le cocon familial. Clarke allait enfin voler de ses propres ailes. Alors que le taxi s’éloignait, la jeune fille fraîchement diplômée du lycée, fit signe une dernière fois à ses parents. Elle leur avait promis de revenir pour les vacances d’automne. Fille unique, Clarke avait été choyée par ses parents qui étaient tout simplement les personnes les plus importantes dans sa vie. Pour elle aussi c’était un déchirement de partir de la maison. Mais il fallait bien qu’elle se construise sa vie de son côté.


« Félicitations Mademoiselle Fitzgerald, vous êtes major de votre promotion. Vous êtes sûre que vous ne voulez pas vous diriger vers la chirurgie ? »
« Je vous remercie mais je préfère m’orienter vers la psychiatrie. »

Toutes ses années d’efforts avaient payé. Clarke avait travaillé dur pour réussir et devenir major de promo. A vrai dire, cela n’avait pas été son but premier. Son but était d’avoir des notes suffisantes pour intégrer l’école de psychiatrie. Et c’était réussi. Clarke était fière d’elle. La jeune femme était revenue de loin. En effet, la première année de faculté avait été très difficile, si bien qu’elle avait pensé à changer d’orientation. Persévérante, elle s’était accrochée. Elle avait intégré un groupe d’étudiants avec lesquels elle révisait tous les weekends. C’était comme ça qu’elle avait réussi. C’était aussi comme ça qu’elle avait connu son amoureux. Ethan. Ils s’étaient tournés autour assez longtemps avant qu’il ne craque et qu’il l’embrasse en pleine session de révision. Depuis, ils étaient ensemble et sur le point de se fiancer. Ils savaient que ce serait difficile pour eux car Ethan entrait en internat à l’hôpital alors que Clarke intégrait son école de psychiatrie. Mais ils s’aimaient et avaient décidé d’emménager ensemble pour se donner le plus de chance possible.


Il y avait toujours ce moment spécial, ce sentiment d’être à sa place et d’avoir enfin trouvé sa voie qui arrivait dans la vie. Ce moment, Clarke était en train de le vivre. Debout dehors face à l’entrée de l’unité psychiatrique la plus réputée de l’état, la jeune femme savait qu’elle était faite pour ce métier, pour cette vie. C’était une évidence et cela faisait du bien d’en prendre conscience. A peine sortie de l’école, elle avait assez rapidement trouvé une place de psychiatre dans cette unité. Ses professeurs l’avaient vantée auprès du directeur. Car oui, Clarke avait été la meilleure tout au long de son cursus. Elle avait tout simplement excellé dans son domaine. Travaillant d’arrache pied, elle connaissait parfaitement les pathologies de l’esprit humain. Mais elle comprenait aussi comment celui-ci fonctionnait, et c’était cette faculté de compréhension, si naturelle et innée au final, qui ferait d’elle une excellente psychiatre.

Une fois entrée, la jeune femme n’avait pas tardé à être prise en charge par le directeur qui lui fit visiter les lieux. Il la présenta à ses futurs collègues qui, pour certains, la regardait de haut et se disait probablement qu’elle était trop jeune pour faire ce métier et qu’elle ne tiendrait pas la pression face aux malades qui se trouvaient dans cette unité. S’il pensait décontenancer la jeune femme, ils se trompaient. La jolie brune se promit de se servir de ces regards hautains pour leur prouver qu’elle méritait sa place. Et c’est ce qu’elle fit. Elle garda la tête haute et su s’imposer et montrer qu’elle était faite pour ce métier. Elle avait d’ailleurs rapidement fait taire les rumeurs et les paris qui ne lui donnaient qu’un mois avant qu’elle ne quitte le service.
Les autres médecins ne comprenaient pas que la passion de Clarke l’aidait à être meilleur. Curieuse, elle voulait comprendre comment l’esprit de ces malades fonctionnait. Elle ne les craignait pas, bien au contraire et ce qui faisait sa force.


« Voici Sullivan Caldwell. Schizophrène et très instable. »

Clarke prit le dossier que le directeur lui donna. Il serait son premier patient, et pas des moindres. Effectivement, Sullivan était un cas très spécial et terriblement fascinant. La jeune femme prit plusieurs jours à étudier le dossier, à essayer de cerner le personnage à travers les rapports de ses collègues avant d’organiser un premier entretien. Il n’acceptait pas sa pathologie et il semblait perdu et renfermé sur lui-même. Et Clarke n’en était que plus attiré par le trouble de ce patient. Elle fut d’ailleurs la seule à réussir à le faire parler pour la première fois depuis des mois. La jeune psychiatre comprit rapidement qu’il était aussi l’auteur de livres qu’elle avait lu et qu’elle avait beaucoup apprécié. Des livres qui l’aideraient à comprendre l’esprit fascinant de cet homme. Protectrice, Clarke fit en sorte que personne ne sache qu’il était un romancier dont les livres étaient connus. Il n’avait pas besoin d’une médiatisation qui ne ferait qu’empirer son état. Elle étouffa donc l’affaire, au risque de perdre sa place si cela était découvert.

Au fur et à mesure du temps, Clarke passait beaucoup de temps avec Sullivan. La jeune femme avait réussi à démêler certaines ficelles de son esprit si bien qu’il s’était remis à écrire, ce qui n’était pas rien. Il avait plus avancé avec qu’elle qu’avec ses collègues. Il n’était pas son seul patient bien sur, mais le seul qui la fascinait, qui quasi l’obsédait. Elle ne s’en rendait pas compte mais elle en aurait presque perdue la tête à force de passer du temps avec lui. Elle aimait son dernier livre, si bien qu’elle s’y retrouvait dedans à travers l’un des personnages. Clarke aimait se dire qu’elle était la personne qui avait rendu un peu d’esprit à cet homme et qu’il pourrait s’en sortir s’ils continuaient de la sorte.


« Tu deviens aussi tarée que tes patients ! Tu es en train de perdre la tête et tu ne t’en rends même pas compte ! »

Ethan claqua le livre de chevet de Clarke par terre, un des livres de Sullivan. Il tournait en rond dans le salon comme un lion en cage, se prenant la tête entre les mains.

« Je ne supporte plus cette situation, je ne peux pas continuer à vivre comme ça. Soit tu quittes ce poste, soit je pars de la maison. »

Et voilà, ils en étaient arrivés à l’ultimatum. Clarke en était bouche-bée. Son fiancé menaçait de la quitter si elle n’abandonnait pas son métier, la chose pour laquelle elle était faite. Elle ne pouvait pas faire cela. Elle ne pouvait pas les abandonner, l’abandonner lui alors qu’elle commençait à percer les secrets de son esprit. Et pourtant elle aimait vraiment Ethan, de tout son cœur. Clarke ne répondit rien, baissant les yeux qui se remplissaient de larmes. Son choix était fait, mais elle était incapable de le dire à voix haute et elle n’en eut pas besoin.

« J’étais tellement persuadé que tu serais la mère de mes enfants… au revoir Clarke. »

Et il était parti. Et elle n’avait rien fait pour le retenir. Peut-être qu’il avait raison après tout. Peut-être qu’elle aussi devenait aussi dingue que ses patients.


Clarke courrait dans les couloirs, les clés à la main. C’était la folie. Si elle n’avait pas été persuadée d’avoir toute sa raison, elle aurait pu croire qu’elle était devenue complètement tarée. Et pourtant elle l’avait vu de ses propres yeux. Tremblant comme une feuille, Clarke eu du mal à introduire la clé dans la serrure. Il fallait faire vite. Ces monstres avides de chaire humaine n’allaient pas tarder à se ramener. Bingo, elle avait réussi à introduire la clé. Elle ouvrit la porte en criant à l’une de ses patientes de sortir de là. Elle n’avait pas le temps d’expliquer. Elle ouvrit d’autres portes, libérant d’autres patients avant d’arriver devant celle de Sullivan. Elle ouvrit la porte assez violemment et n’y alla pas de main morte en secouant son patient pour lui faire prendre conscience qu’il n’hallucinait pas.

« Il faut y aller, Sullivan, venez, on doit partir tout de suite ! »

Il se mit à reculer et Clarke lu la terreur dans ses yeux.

« Monsieur Caldwell, on doit partir tout de suite. Vous n'hallucinez pas, suivez moi ! »

Elle planta son regard dans le sien et le prit par la main pour qu’il sorte de sa chambre. Il la suivit et ensemble, avec d’autres patients, ils s’enfuirent de l’hôpital.


Aujourd’hui ils se protègent l’un l’autre. Elle l’empêche de perdre la tête tandis qu’il l’aide à faire face aux zombies. Elle se sert de ce que lui a appris son père pour chasser et les nourrir. Clarke ne s’est pas réellement faite à cette nouvelle vie. Elle garde l’espoir que le monde redevienne comme avant.