Des gouttes de sang coulaient du bout de ses doigts pour aller s'éclater au sol, rejoignant la flaque qui commençait à se former. Charlie, elle, restait immobile, fixant son œuvre. Il l'avait mérité, ce connard. Il l'avait mérité pour lui avoir brisé le cœur comme l'avait fait chaque personne dans sa vie jusqu'à présent. Depuis toujours, personne n'avait su prendre soin d'elle comme il le fallait et l'aimait correctement. Elle avait été trimbalée dans des dizaines de famille d'accueil qui n'avait jamais été capable de s'adapter à la brune. Parce qu'il était hors de question pour elle de s'adapter. Elle était comme elle l'était et ça s'arrêtait là. Charlie y avait pourtant cru, avec Connor. Elle avait pensé qu'il l'aimait comme elle l'était, avec ses trop nombreux défauts et sa façon bizarre d'agir et de voir les choses. Ce qu'elle avait pu être naïve. Elle l'avait vu, avec une autre. Une grande blonde qui avait l'air tellement... normale. Ce qu'elle n'était pas donc. Elle avait pourtant fait des efforts avec lui parce qu'elle l'avait réellement aimé. Son poing se serra autour de la manche du poignard. L'artiste ne ressentait aucun remord. Il l'avait cherché, tout était de sa faute. Avec Charlie, tout était toujours de la faute des autres de toute façon. C'était leur faute si elle était différente. C'était leur faute si tout foirait dans sa vie et qu'elle se retrouvait seule, encore une fois. L'artiste resta encore immobile quelques secondes. Puis, elle lâcha le poignard qui atterrit dans la flaque de sang avant de descendre chercher un téléphone. Les images du meurtre qu'elle venait de commettre était toujours là, dans son esprit, sans pour autant l'affoler. Elle se rappelait très bien avoir attendu que Connor ne s'endorme. Elle se rappelait avoir saisit le couteau, s'être installée à califourchon sur lui et avoir frappé. 36 fois. La brune s'empara du combiné pour composer le 911. Elle croisa son reflet dans le miroir, se reconnaissant à peine tant elle était couverte de sang. Pourtant, elle savait. Elle savait qu'elle était enfin devenue celle qu'elle était. Qu'elle avait libéré la bête sauvage qui était tapie au fond d'elle depuis toujours. Elle fut sortie de ses pensées par une voix féminine lui demandant la nature de son appel. Elle répondit calmement et se surprit même à sourire. « J'ai tué mon petit-ami. Envoyez quelqu'un. » Et elle raccrocha aussitôt avant d'aller s'asseoir dans la fauteuil, attendant patiemment l'arrivée des secours.


« Non, vous ne comprenez pas, je suis perdue et.. Je sais pas quoi faire. » dit-elle, les yeux larmoyants. Les deux hommes face à elle la regardaient, sceptiques. Charlie connaissait son numéro sur le bout des doigts. Il fallait amadouer ces hommes. Faire en sorte qu'il la regarde comme une petite chose fragile pour qu'elle puisse mieux les abattre ensuite. Le plus jeune d'entre eux semblait se laisser amadouer par son regard de biche et, probablement, par son physique avantageux qui avait l'air de lui plaire. « Allez, John, tu vois bien qu'elle est même pas armée. C'est qu'une fille, qu'est-ce qu'elle pourrait nous faire ? » La brune se retint de rire. Si seulement elle avait la moindre idée de ce qu'elle comptait leur faire, il s'enfuirait probablement en courant. Le dénommé John hésita un peu avant d'abdiquer. « Ok, c'est bon, tu peux nous suivre si tu veux mais si tu nous ralentis, on t'laisse derrière, pigé ? » Un sourire radieux étira les lèvres de Charlie tandis qu'elle hochait vivement la tête. Elle se mit alors à les suivre, marchant des kilomètres avec eux. Elle parlait de tout et de rien, totalement insouciante et joyeuse. Enfin, elle trouva l'occasion idéale pour frapper. Elle aurait très bien pu le faire plutôt mais elle préférait s'amuser d'abord avant de passer aux choses sérieuses. L'ancienne artiste fit alors mine de déraper et geignit légèrement. « Merde, j'ai glissé et.. Ma cheville me fait atrocement mal ! » Peter, le plus jeune, s'approcha tandis qu'elle restait au sol. Il s'agenouilla et examina sa cheville. Charlie ne perdit pas de temps. Elle s'empara de la grosse pierre à côté d'elle et frappa d'un coup brutal le crâne de l'homme qui s'écroula alors sous l'effet du choc. John pointa alors son arme sur elle sans avoir le temps de l'utiliser, victime d'un coup à l'arrière du crâne. « Heureusement que j'suis là pour sauver ton cul, Allen. » Elle leva les yeux au ciel avant d'assener un énième coup sur le visage du pauvre Peter, ne manquant pas de rire en même temps. « Arrête de t'amuser et aide moi plutôt à mettre tout ça dans le coffre. Les autres vont être content de voir qu'on a ramené de la bouffe. » A l'évocation de leur camp, le visage de Charlie s'illumina. C'était probablement tordue d'être aussi heureuse à l'idée de retrouver une bande de détraqués adeptes de la chair humaine mais... C'était Charlie. Et elle se sentait plus que bien au sein de ces individus dangereux, sans doute parce qu'elle était tout aussi dangereuse au fond. Avec eux, elle savait à quoi s'en tenir. Ils n'étaient pas réellement soudés ni très chaleureux mais là, elle pouvait être elle-même. Elle l'était depuis le moment où on avait ouvert la porte de sa cellule pour qu'elle puisse sortir, trois jours après avoir tué son petit-ami. Elle avait d'abord été choqué de voir les morts se relever. Puis, elle avait vu ça comme une chance à saisir. C'était là l'instauration d'un nouveau monde, sans loi, sans vieilles idées sur ce qui était bien ou mauvais. C'était un monde où elle pouvait faire ce qu'elle voulait, où on ne la jugerait pas comme étant folle sous prétexte qu'elle était différente. C'était son monde. Et elle l'adorait.