Août 2014. Atlanta.
« Malcolm ! T'as vu ce qu'il s'est passé en Russie la semaine dernière? » J'étais assis devant mon ordinateur, un crayon dans la bouche, finissant de travailler sur un article concernant un vernissage plutôt ennuyant. Alors que je cherchais une image sympa d'un chat à cacher dans le contenu de mon texte, ni mon collègue, ni moi n'imaginions que l'information qu'il allait me donner allait changer nos vies. A tout jamais. « Vas-y, dis m'en plus! » Au début, je n'y croyais pas une seule seconde. Des vidéos, une dizaine je dirais, où des gens tuait d'autres personnes, de façon plutôt étrange et dégoûtante. On aurait dit un de ces films de zombies mal tourné. Mais... C'était avant que tout ça ne parte définitivement en un merdier sans nom. « On est en 2014 Jim. Ce genre de vidéos ne devrait même plus t'interpeller. C'est les Russes. T'as jamais vu les caméras embarqués dans les voitures ? C'est des dingues, rien de plus! »
02 Novembre 2014. Atlanta.
« Yo Malcolm ! Tu dois encore être en train de dormir, mais je te rappelle que c'est l'anniversaire de papa aujourd'hui ! Alors prépare ton plus costume, ramène ton mec, et on se retrouve à 18 heures à la maison ! PS : n'oublie pas le gâteau crapule ! Alice. » La sonnerie de mon téléphone m’extirpa de mes pensées. J’étais affalé sur mon canapé, dans une tenue digne d’un marathon de séries télé. Un dimanche comme je les aimais. C’était l’anniversaire de mon père ! Au fond de moi je le savais, mais mon esprit me jouait des tours. Ces derniers temps, je repensais à cette vidéo que m’avait montrée mon collègue un mois auparavant. Depuis cette histoire, on entendait de plus en plus parler d’attaques et de comportements étranges… Si c’était un coup de pub pour un nouveau film, c’était très réussi. Car sur internet, on ne parlait que de cela comme étant « Le Renouveau » de l’humanité. Entre illuminés et geeks, les théories fusaient sur Internet, et ce fut ce jour-là. Au cours de l’anniversaire de mon père, que j’allais prendre compte que toutes ces histoires allaient prendre vie. Il n’était que dix heures du matin, j’étais donc encore loin du timing imposé par ma sœur. Sur mon bureau trainait un paquet cadeau. C’était une mallette de couteaux de cuisines, qui pour leur prix, devaient couper même du béton. La cuisine, il adorait ça. C’était d’ailleurs lui qui devait se coller à toute la préparation du repas. Il était dix heures trente-cinq, et j’étais devant la fenêtre de ma cuisine. Des bruits d’alarmes retentirent dans le quartier. Les sons étaient mélangés, mais ça ressemblait à des sirènes de policiers et de pompiers, à quelques pâtés de maison.
Dans mon métier, on nous demande souvent d’aller chercher l’information là où on ne doit pas être. Je tenais peut-être une information qui allait faire la une hebdomadaire du journal. Enfilant un manteau et mes chaussures, je m’étais rapproché de la source des agitations, mon téléphone dans la main. Il y avait pas mal de monde de présent, et la police avait installé un périmètre de sécurité tout autour de la scène, impossible de savoir ce qu’il s’était passé. Je m’étais légèrement rapproché de la foule, pour distinguer les paroles de certains. « Apparemment c’est monsieur Parker qui s’est jeté sur le facteur. Personne ne sait pourquoi… » « Il l’aurait même tué à ce que j’ai compris… Il lui aurait sauté dessus et mordu à la gorge. » Je ne comprenais pas ce que ces gens pouvaient raconter… Je pensais sérieusement à arrêter le thé après vingt heures, ça ne me réussissait pas. Mais il fallait que je voie cela de mes propres yeux. Après une dizaine de secondes à essayer de me faufiler, ce qui avouons le, est plutôt avantageux quand on est de petite taille, j’arrivais enfin à la zone balisée par la police. Deux corps était allongés sur le sol, recouvert de bâches. Il y avait des tâches de sang un peu partout, et des policiers qui écrivaient, prenaient des photos pendant que les ambulanciers embarquaient les corps. « Comment ça se fait qu’il y ai deux morts… Si le facteur est mort, alors qui est la deuxième victime ? » A la vue de ces deux cadavres, le monde venait définitivement de partir en couille. Le virus était en marche partout dans le monde. Et il était déjà trop tard pour profiter de la vie, mais ça, je m’en étais rendu que plus tard dans la journée.
Au final, je n’étais pas resté bien longtemps sur la scène du crime. J’étais rentré chez moi afin de me préparer pour l’anniversaire de mon père. Dans le quartier, on continuait encore de parler de ce qu’il s’était passé plus tôt. Je me préparais à prendre la route pour aller jusqu’à Greenville, ma très cher ville natale où l’on n’y fait pas grand-chose. Mais mon téléphone avait vibré. Ma petite sœur me prévenait du changement de plan pour ce soir. « Papa et maman sont déjà à la maison, tu nous rejoins quand tu peux ! Et pense au gâteau ! » C’était l’heure de passer aux choses sérieuses. Après un passage chez le pâtissier, je me dirigeais donc vers l’appartement de ma sœur qui était plus dans le centre d’Atlanta que moi. On se voyait souvent avec ma sœur avant que tout ne dégénère. On mangeait ensemble une fois par semaine. Qu’est-ce que ma famille peut me manquer aujourd’hui… Je me retrouvais devant la porte de chez ma sœur, sonnant trois fois et poussant la porte. J’étais un peu comme chez moi, on entrait chez l’un et l’autre comme bon nous semblait. La première chose que j’avais faite, c’était de saluer mon père, en le prenant dans mes bras, pour la dernière fois. « Bon anniversaire papa ! » « Merci mon fils ! » Une bise à ma sœur et ma mère, la soirée pouvait enfin commencer. C’était deux heures plus tard, alors que nous venions de passer à table, que les choses avaient réellement commencées de mon côté. Dans la rue, on entendait beaucoup de bruits, de voiture qui klaxonnaient sans cesse. Mais nous étions en plein cœur d’Atlanta, et ce n’était pas rare d’avoir droit aux nuisances sonores, mais ce soir-là, c’était beaucoup plus que les autres fois. Un coup de feu retentit dans le bâtiment. Nous nous étions tous regardés, et nous l’avions tous entendus, je ne l’avais donc pas rêvé. Quand nous étions en famille, nous ne mettions jamais la télévision ou la radio, afin de forcer la communication. Et nous n’étions donc pas au courant que les infos parlaient à travers le monde entier des attaques, et des morts qui revenaient à la vie. « Je crois qu’on devrait aller voir ce qu’il s’est passé. Viens avec moi Malcolm. On reviens vite. » Un dernier baiser à sa femme avant de partir, un sourire à sa fille. Des adieux non officiels qui resteront à jamais dans ma mémoire. Quand nous nous sommes retrouvés dans le couloir, une personne courrait avec quelques affaires en direction du rez-de-chaussée. Il y avait une dizaine d’appartements par étages, ce qui faisait beaucoup de personnes dans un seul bâtiment. Quand ce type, effrayé, croisa mon regard, je me doutais bien que quelque chose ne tournait pas rond. Il y avait eu aujourd’hui trop d’évènements étranges pour ne pas les relier entre eux. Le coup de feu venait de l’appartement juste au dessus de celui de ma sœur. Après avoir toqué à plusieurs reprises sans réponses, mon père entra dans l’appartement. Il n’y avait personne à première vue, et vu le désordre, on aurait pu croire à un cambriolage. « On ferait mieux d’appeler la police, non ? » « Oui, tu as… QUE ?! AHHHHH ! » C’est alors que je voyais mon premier rôdeur pour la première fois. Une chose se jeta au cou de mon père, lui arrachant tellement de peau que du sang coula abondement. Mon premier réflexe a été de rester tétanisais, incapable de bouger. Je ne pouvais pas croire ce que je voyais. Des gémissements, puis plus rien. Mon père était au sol, sans vie, baignant dans son sang, se faisant manger par cette chose. J’étais en pleur, je ne comprenais rien à ce qu’il venait de se passer. « Mais… » Ce simple mot attira l’attention du mangeur de chair, qui me fixa et se jeta sur moi. J’avais réussi à le repousser, et à prendre la fuite. Je n’avais jamais couru aussi vite de ma vie. J’étais rentré en trombe dans l’appartement de ma sœur quand je les ais vues scotchées devant la télévision. « Il est impossible pour nous d’expliquer la raison qui pousse les gens à s’attaquer entre eux, mais l’armée a déclaré prendre les choses en main. Et nous vous conseillons de prendre quelques affaires et de quitter votre logement pour vous rendre dans les zones indiquées sur la carte qui apparait dans votre écran… » « C’est impossible… Papa… Il s’est fait attaqué par une personne… Il… Je… » Pendant de longues minutes, nous étions restés là. Ma mère, ma sœur et moi. Le monde venait de changer. Et c’était à vingt-deux-heures trente, que j’en avais pris conscience.
26 Décembre 2014. Aux alentours de Greenville.
Cela faisait plus d’un mois que mon père était mort, et que l’État avait lancé une alerte mondiale. Cela faisait plusieurs semaines que plus rien ne marchait, ni le réseau, ni les radios, ni les médias, ni même les commerces. Il s’est passé énormément de choses depuis la mort de mon père… Nous étions partis, avec ma mère et ma sœur, quelques affaires sous le coude, en voiture, loin de la ville. Mais une fois à la périphérie d’Atlanta, nous nous sommes fais attaqués. Nous n’avions ni voiture, ni vivre, et la survie était difficile. Ma mère n’a pas tenue le choc, et un matin, alors que nous passions toutes nos nuits dans des endroits froids et sans protections, elle ne s’était pas réveillée. C’est avec la mort de ma mère que nous avions compris une chose. Les humains morts reviennent à la vie sous la forme de ces choses, tel des zombies… Pour survivre, nous avons du avec ma sœur tuer quelques-unes de ces choses. Ils sont insensibles aux coups qu’on leur porte, et ne s’arrêtent jamais tant qu’on ne les a pas touchés au cerveau, ils continueront de nous traquer. Après la mort de ma mère, ma sœur commençait à changer. Nous ne parlions plus, à part pour nous réveiller quand il fallait prendre la relève en plein milieu de la nuit. Nous étions des survivants, marchant en direction de Greenville pour y trouver refuge dans la maison de nos défunts parents et y rester le temps de trouver une solution. « Je ne sais pas si je vais réussir à tenir Malcolm… Papa, puis maman. Cela va bien nous arriver un jour ou l’autre. Nous sommes trop faibles. Cela ne sert à rien de continuer à la jouer discret pour ne pas se faire repérer. Les autres sont plus forts et mieux équipés que nous. Je ne veux pas souffrir… Je ne veux pas mourir… » Je ne savais pas quoi lui répondre. J’ai tué quelques rôdeurs depuis l’épidémie, mais jamais d’être humains. C’est ma sœur qui a mit fin à la vie de notre mère, quand elle est revenue. Depuis ce moment-là, sa vie à complètement changer, et c’était de ma faute. Si je l’avais fais à sa place, je suis sûre qu’elle n’en aurait jamais eu à se poser toutes ces questions… Une nuit. Alors que nous étions cachés dans une voiture au beau milieu de la route pour passer la nuit, un groupe d’une dizaine de personnes nous sortirent de la voiture, et me tabassa pendant de longues minutes, sous les yeux de ma sœur. Sa réaction était étrange, je voyais des larmes couler le long de son visage, mais elle ne bougeait pas, me regardait en train de me faire exploser le nez. J’ai bien cru que j’allais mourir ce soir-là. Mais alors que j’étais dans les vapes, sans le savoir, ma sœur m’a sauvé la vie, avant de ne plus jamais la revoir. « S’il vous plaît, arrêtez de lui faire du mal… Je ferais ce que vous voudrez. Laissez le ici et prenez moi avec vous, je vous en prie… » A mon réveil, j’étais assis sur un petit lit de camp. Et face à moi se trouvait une croix, avec un homme cloué dessus. Jésus ? J’étais mort de mes blessures… ? Je n’arrivais pas à bouger. Mon corps me lançait des douleurs comme je n’en avais jamais eus. A mon chevet, un homme que je ne connaissais pas était en train de changer mes bandages. « Calmez-vous. Évitez de trop bouger, vous êtes dans un sale état ! Vous avez de la chance de toujours être en vie. Un de nos éclaireurs vous a trouvé sur le bord de la route, à une dizaine de bornes d’ici, inconscient. Mais vous êtes en sécurité ici maintenant. Bienvenue au refuge de l’église ! » Je ne savais pas pourquoi j’étais encore en vie. Et surtout ce qu’il était arrivé à ma sœur… Mais j’avais trouvé un refuge. Et pour une fois depuis le début de l’épidémie, je me sentais en sécurité. A la maison. « Merci… Beaucoup… »